1963. Étudiant en philosophie j'apprends en psycho-pathologie que l'homme est potentiellement multiforme, qu'il est ouvert selon son vêcu à tous les avatars du Pathos. J'en conclus que pour Éros il en est forcément de même. La femme et l'homme sont disponibles pour toutes les aventures de la création, quelle que soit la discipline c'est une question d'entraînement...!
Par conséquent nous sommes tous multiples, et disposés à l'être. Si nous ne pouvons pas développer l'éventail de cette multiplicité infinie c'est que la vie, trop brève, ne nous en laisse pas le temps.
Depuis l'âge de 13 ans je commençais à peindre avec l'intention d'en faire mon métier. Autour de moi on me conseillait de choisir un style, "original" disaient certains. Mes études de philosophie me font entrevoir alors que l'unité de style qu'on affecte tant à la personnalité géniale des artistes n'est qu'un sous produit de l'idéologie du don, elle-même système de représentation à la base du monothéisme et du pouvoir centralisé qui en découle.
Je conçois dès lors que la création n'est pas soumise à la dictature de ce prétendu don transcendant toute réalisation.
Ce sont l'intention, le sujet, le contenu, la fonction , le désir la nécessité ou la volonté de communiquer dans un certain contexte qui déterminent les choix de mise en forme, ainsi que le bonheur à mettre en scène ces paramètres conducteurs de sens mis en commun..
Je décide en 1963 d'une ligne de conduite qui sera d'adapter toujours les genres, les disciplines et les formes de mon activité picturale aux exigences des contenus exprimés, sans me préoccuper des questions d'unité stylistique d'une réalisation à l'autre.
Cette décision entraînera une création multiforme, arborescente et toujours remise en question par le sujet abordé.
Malgré les pressions extérieures je n'ai jamais renoncé à cet "art de l'écart" qui me situe hors des classifications habituellement admises dans les milieux de l'art, que ce soit de l'éxégèse ou du marché.
